September

SeptemberQuand Woody Allen louche sur Bergman (on pense à «Sonate d’automne») en faisant un détour par Tchekhov… «September» est de la veine des films réalistes et psychologiques comme «Intérieurs» ou le récent «Une autre femme». L’humour est gommé au profit du sérieux, voire même du besogneux. Mais Woody Allen reste un formidable auteur de dialogues. Le cinéaste filme un groupe de six personnages en quête d’amour. Dans une maison de campagne, baignant dans les teintes automnales, Allen regarde leurs désirs avoués ou cachés, leurs doutes, leur dérobades, leurs mélancolies, leurs souvenirs, leurs aveux tardifs. Coincés dans ce huis clos feutré, mère, fille, mari, amant, famille construisent, tout en dentelle, une fresque «moderato» de la passion humaine tout d’un coup rendue «allegretto» par l’éclat et le déchirement. Des comédiens en grande forme… comme d’habitude.

La brulure

La brulureQuand un divorcé rencontre une autre divorcée.., ils payent les pots cassés. C’est en gros l’histoire de Rachel et de Mark, deux laissés pour compte du bonheur conjugal. Elle est chroniqueuse gastronomique, style femme émancipée, et fan de psychothérapies. Il est journaliste politique, cavaleur, extravagant, un brin macho. Ils font connaissance au cours d’un mariage, se revoient, s’aiment. Plus qu’une union officielle, leur couple est un challenge, une revanche sur leurs échecs. Un premier enfant les plonge dans la routine des biberons-télé-charentaises. Rachel découvre que Mark la trompe depuis plusieurs années… L’idée de départ était claire : choisir un sujet banal et le disséquer. C’est là où Mike Nichols rame un peu. Il n’analyse pas, il brode. Les drames de cœur et les crises désespérées reposent essentiellement sur un tandem hyper professionnel, bourré d’effets de style. La subtilité et l’humour qui animaient «Le lauréat» ou «Ce plaisir qu’on dit charnel» (grands crus Nichols) ne meublent malheureusement pas ici les pointillés d’un scénario qui manque d’armature. Restent deux monstres sacrés qui cabotinent avec leur technique habituelle. Demi-réussi, ou demi-raté, au choix.

La vouivre

La vouivreComme on vient de le voir dans «La vie et rien d’autre», il fallut plusieurs années, après la guerre de 14-18, pour identifier les disparus. Plusieurs mois après l’armistice, un jeune paysan, Amène (Lambert Wilson), rentre ainsi au village alors que tous le croyaient mort. Il trouve la petite communauté bien agitée : la plupart des hommes valides manquent à l’appel, il ne reste que les femmes, les enfants, les vieux. Parmi eux, le fossoyeur, alias Requiem (Jean Carmet, égal à lui-même), affirme à qui veut l’entendre qu’il a vu une femme nue surgir de l’étang. On l’appelle la Vouivre, cette apparition légendaire, créature immortelle et sensuelle. Le village est en émoi, le curé veut mettre le holà. Arsène, blessé à la tête, se met à confondre rêve et réalité : pour lui, la Vouivre devient une femme de chair et d’os. Non pas une déesse menaçante, avec les serpents qui l’escortent, image qu’on lui donne parce qu’elle est rejetée de tous, mais une amie sincère, une amoureuse pleine de tendresse, de bon sens et même d’humour. Avec elle, Arsène va vivre des moments inoubliables, incompris bien sûr de la petite communauté recluse dans ses préjugés. D’un joli roman désuet de Marcel Aymé, Georges Wilson a tiré un joli film désuet, sympathique comme une affaire de famille.

Kenny

KennyExploitation sordide ou leçon de philosophie et hymne à la vie ? Un jeune garçon de treize ans, nommé Kenny, est un homme tronc. Il vit dans un quartier ouvrier de Pittsburg. Il est champion de planche à roulettes. Il a son univers quotidien harmonieusement organisé. Mais tout se complique lorsque débarque une équipe de télévision (française…) qui a décidé de le filmer, réveillant ainsi les problèmes sociaux et psychologiques de cette famille. Kenny joue son propre rôle et, grâce à son énergie de vivre, porte ce film qui est à mi-chemin de la fiction et du documentaire, et qui a une fâcheuse tendance à glisser vers le larmoyant. Le film obtenu le grand prix des Amériques au Festival de Montréal et le prix spécial du jury au Festival de la jeunesse de Paris. C’est dire si ce film veut être reçu comme respectable. Cela n’empêche pas un arrière-goût amer d’exploitation commerciale. On a même fait venir Kenny pour le montrer aux journalistes lors de la sortie du film en France. Comme «Freaks» de Tod Browning (qui montrait déjà un homme tronc), «Kenny» est en tout cas une leçon de tolérance et d’espoir, un beau manifeste pour le droit absolu à la différence et à la vie !

La petite voleuse

La petite voleuseOn n’a jamais autant de plaisir au cinéma que lorsqu’on voit se confirmer avec éclat un talent qu’on a vu naître et qu’on s’est efforcé d’encourager. C’est ici le cas pour Charlotte Gainsbourg, enfant métamorphosée en jeune femme — et aussi, à un autre degré, pour Claude Miller qui, à son sixième long métrage, s’affirme tout simplement «comme un des meilleurs cinéastes français. On connaît l’histoire de cette «Petite voleuse» : un scénario entamé et laissé en héritage par François Truffaut, le désir de Claude Miller de prolonger l’état de grâce de «L’effrontée». Janine Castang a seize ans, dans cette petite ville française des années 50. Abandonnée par sa mère, elle vit chez un couple de petits commerçants. C’est à l’école qu’elle commence ses chapardages, décourageant bientôt la bonne volonté de ses parents adoptifs. Elle les quitte pour se placer comme bonne chez des bourgeois, prend un amant quadragénaire, puis un autre de son âge et échoue en maison de redressement. Il paraît que les miracles n’arrivent qu’une fois. Claude Miller et Charlotte Gainsbourg nous prouvent le contraire, et il y a encore du beau monde dans ce film : Raoul Billerey (le tonton «dépassé»), Clotilde de Bayser (la patronne de Janine), Nathalie Cardone (sa copine, qu’on peut voir en vedette dans «J’aurais jamais dû croiser son regard»). Et le plaisir de ces images simples et belles, de ces dialogues justes et touchants.

Hope and glory

Hope and gloryAutomne 1939.Irrémédiable et sanglante, la blitzkrieg s’abat sur les brumes de Londres. Pour le jeune Bill Rohan, sept ans, commence une période pleine d’aventures. Son père, appelé sous les drapeaux, le laisse avec sa mère et ses deux sœurs à Londres. Alertes et bombardements n’inquiètent guère le garçon qui ne se rend pas véritablement compte de ce qui arrive. Désinvolte, il tient régulièrement à jour son journal de guerre. Mais leur maison est bientôt détruite par un incendie qui les contraint à émigrer dans la grande banlieue. Pour le plus grand plaisir des enfants… On connaissait John Boorman pour être l’auteur de films épiques, grandioses et plutôt spectaculaires. Après «Excalibur» et «La forêt d’émeraude», il met en scène les réactions d’un gosse de sept ans aux prises avec les réflexions des grandes personnes et face à un des événements les plus tragiques du 20e siècle. Poésie et dérision sont au rendez-vous de cette vision sensible et intimiste des années noires. A savourer sans nuances.

La blonde et moi

Tom Miller, c’est le seul impresario capable de faire d’une star une inconnue. Ex-pygmalion de la chanteuse Julie London, il noie désormais ses maigres dollars dans le scotch. A sa grande surprise, il est contacté par Murdock, mafioso et roi du jackpot, qui semble se souvenir de ses talents lointains. Sa mission est simple : transformer la maîtresse insignifiante de Murdock en célébrité du showbiz. La future vedette se prénomme Jerri. Formes rebondies, démarche sensuelle et neurones atrophiés, elle s’avère incapable de sortir une note juste de ces généreuses tripes… Rivale attitrée de Marilyn dans les années 50. Jayne Mansfield, «The Bust», incarnait à la perfection les grandes dindes platinées. Sa présence irradie l’écran, mais les vraies guest stars de «La blonde et moi» sont d’une autre fibre : Fats Domino, Little Richard, Eddie Cochran, les Platters, Gene Vincent… Une véritable pièce d’archive truffée de gags bon enfant pour cinéphiles et nostalgiques d’un rock and roll mythique !

Radio Days

C’était le temps de la radio, qu’on appelait la TSF… Le temps de l’enfance pour Woody Allen, ces années 30-40 où la vie familiale tournait autour de cette invention nouvelle comme aujourd’hui autour de la TV.Radio Days Le réalisateur apparaît donc sous les traits d’un jeune garçon, Joe, cancre rêveur et rouquin, cible des taloches perpétuelles de son père, de sa mère, quand le rabbin ne s’y met pas. Mais bien sûr, c’est la voix inimitable de Woody qui égrène les souvenirs, plantant d’abord le décor : le quartier populaire de Rockaway, présentant les personnages : ses parents, son oncle Abe qui ramène ses éternels poissons, sa tante Léa, toujours en quête du mari idéal, leurs voisins communistes qui (horreur !) ne respectent pas le sabbat. Et la vie de fa maisonnée s’écoule au son du jazz, cette musique qui baigne aussi, non loin de là, les boîtes de nuit chic de Manhattan. Là, nous faisons la connaissance de Sally (Mia Farrow), ravissante vendeuse de cigares un peu gourde, qui entame son irrésistible ascension sociale. Joies et peines, espoirs et amertumes, la chronique se poursuit tranquillement au rythme de l’omniprésente radio, sous le signe d’une nostalgie sans mièvrerie. « Radio days » est moins désopilant, assurément, que certains autres films de Woody Allen : un artiste n’a pas seulement envie de rire quand il se penche sur sa propres enfance…

Golden Child, l’enfant sacre du Tibet

Golden Child, l'enfant sacre du TibetChandler Jarrell, dont la vocation est de retrouver des adolescents portés disparus, se trouve confronté à la curieuse demande d’une jeune femme : libérer un enfant tibétain doté de pouvoirs divins, séquestré par un «suppôt de Satan». Mixture concoctée avec un zeste de Superman-Kung-fu, un doigt de Mad Max et des restes de Conan et autre aventurier de l’arche perdue, ce film enchantera certainement les moins de dix ans. Malgré les inévitables effets spéciaux (disparitions, explosions et monstres) et une histoire où même Sinbad le marin demanderait grâce, le résultat est médiocre. Eddie Murphy nous fait rire deux fois, peut-être trois et se demande ce qu’il vient faire dans cette galère. Nous aussi…

Les ripoux

Les ripouxRipoux… pourris. Verlent… l’envers ! Deux flics, de générations et de mentalités complètement différentes, font équipe. Noiret est un vieux renard confortablement installé dans son district, rançonnant gentiment tout le monde, fermant les yeux sur les petits trafics clandestins et tentant d’arranger les problèmes à l’amiable, sans éclaboussures ni violences. Mais, soudain, surgit dans sa vie un «bleu»… un jeune mec costume-trois-pièces venu de sa province et tout frais émoulu de son école de police. Lhermitte, le jeune flic, est d’abord du genre à ne pas jouer avec le !règlement. Chien fou, il s’imagine que la police est le dernier bastion des preux chevaliers défendant la justice et l’honneur. Sur les traces d’un Noiret qui n’interrompt en rien ses coupables activités, Lhermitte a du mal à comprendre ce qui se passe. Il n’ose le croire… Mais, sans fausse pudeur, Noirret va vite l’affranchir, lui montrer la réalité des choses. Et Lhermitte très vite abandonne son costume-cravate pour les jeans, le blouson et les santiags… Le polar-comédie de Claude Zidi est un délice de roublardise. Rarement on avait vu couple de cinéma aussi plein de peps ! Noiret fond de tendresse et Lhermitte lui donne bien la réplique. A (re)voir absolument alors que la suite triomphe actuellement suries écrans.

Le Sicilien

Le SicilienChristophe Lambert est «Le Sicilien» ! Cheveux noir corbeau et lissés en arrière, regard ténébreux, costume sombre et fusil en bandoulière, il est Salvatore Giuliano, sur les lieux mêmes où vécut ce truand contestataire. Ce brigand bien-aimé, abattu par la police en 1950, parce qu’il s’est dressé contre les pouvoirs politiques, religieux et même occultes (la Mafia) pour défendre les paysans, avait déjà inspiré, en 1961, un film à Francesco Rosi. Mais Michael Cimino a préféré l’épique au réalisme documentaire. S’inspirant d’un roman à succès de Mario Puzo, l’auteur du «Parrain», Giuliano Lambert devient un rebelle luttant contre les injustices, un cow-boy latin ! Le rôle est très physique, avec de nombreuses cascades à cheval. Mais au lieu de glisser vers les séduisantes naïvetés d’un Robin des Bois/Errol Flynn, Cimino a préféré figer Christophe Lambert, telle une statue de sel autour de qui l’Histoire passe sans même déplacer un cheveu. Tout dans le masque signifiant. Le côté hiératique exaspère un peu. Dommage.

Indiana Jones et le temple maudit

Indiana Jones et le temple mauditIndiana Jones, le fameux archéologue qui découvrit l’Arche perdue, tente de passer un marché avec les propriétaires d’un cabaret de Shanghai qui détiennent un joyau extraordinaire doté de pouvoirs magiques. La transaction tourne mal et Indiana Jones est obligé de s’enfuir. Il entraîne dans son sillon la chanteuse du cabaret et un jeune Chinois. Celui-ci est particulièrement débrouillard et parvient à tirer ses compagnons du mauvais pas. Malheureusement, pendant leur retour en avion, les trois compagnons sont jetés en pleine jungle, livrés à eux-mêmes. L’aventure commence. Le second épisode des aventures du séduisant Harrison-Indiana-Ford n’est malheureusement pas à la hauteur du premier (ni du troisième d’ailleurs !). Le scénario, digne d’une bande dessinée délirante, ne bénéficie pas de l’effet de surprise dont avaient profité «Les aventuriers…». Mais les amateurs d’humour au premier degré et d’effets spéciaux extraordinaires se laisseront facilement emporter dans l’univers grand-guignolesque de Steven Spielberg.

Les lionnes d’ Hollywood

Trois actrices qui n’ont plus rien à prouver sinon leur incroyable facilité à enchaîner les rôles les plus divers. Mlle Streep serre un caniche pour les besoins de «She-devil», comédie trépidante dont elle est la vedette. Ses rivales, elles, préfèrent conjuguer leur image à tous les temps du mode glamour. Finies, lessivées, out, les années BO. Rassurez-vous, nous n’allons pas, une fois de plus (et de trop?) regretter ces années grises bel et bien mortes et enterrées. Le train vient de s’arrêter à la gare Mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix, tout le monde descend et, variation plus amusante, on descend tout le monde. Le jeu des bilans pour rire se mue en jeu de massacre et les rescapés ne sont pas toujours ceux et celles que l’on croit. Prenons les actrices américaines qui, du haut de leur «staritude» dominent allègrement la précédente décennie, celle des années 70 : Barbra Stressante, Jane Fondue et Faye Thunes Away. D’immenses professionnelles selon le cliché consacré, de sacrées emmerdeuses selon leurs ex. Et talentueuses avec ça. Très. La légende d’Hollywood les dépeint volontiers comme de redoutables mères fouettardes, fôlles d’elles-mêmes et pour qui chaque rôle prend les allures d’un effeuillage de marguerite du style «je m’aime beaucoup, passionnément, à la folie». A force de mouiller son royal tarin à toutes les sauces, Barbra finit par perdre son flair et se commet dans des superproductions aussi stériles qu’inutiles. Jane, elle, croit avoir trouvé l’arme absolue anti-décrépitude : l’aérobic, gaillardement filmé, enseigné, martelé en body pur lycra. Manque de chance, son ingrat de mari va tellement bien voir ailleurs si elle y est, qu’il y resté. Avec, de surcroît, une nymphette de vingt ans la cadette de dame Jane. Quant à Faye, elle se mue à corps et visage défendant en offre d’emploi permanente pour le remake de «La femme au masque de cire». Mais, comme dit l’autre, l’histoire (surtout celle du cinéma) est un perpétuel recommencement. Et les prétendantes au trône se bousculent au portillon pour apporter leur gracieuse contribution à ce qui ressemble fort à un nouvel épisode de «Poussez pas mémés dans les orties». Sally Field pleurniche en technicolor et à tout va, GoldieHawn frôle la dilatation d’orbite à force d’écarquiller les yeux, Sissy Spacek.et Diane Keaton rivalisent d’efforts dans le genre «je suis la fille cachée de M. Spok mais je me soigne».She-devil Leurs efforts méritoires sont récompensés par une pincée d’Oscars, mais d’éternité cinématographique, point. Heureusement qu’entre-temps naît une trinité autrement plus fascinante, la «Streep-Lange-Turner unlimited». Aucun superbe rôle ne lui échappe et les tâches sont réparties afin que chacune y trouve son compte. A Meryl Streep, dite Oscarella, tous les personnages à accent (condition quasi obligatoire) et à la destinée si possible tragique. Elle est tour à tour Tchèque résignée dans «Voyage au bout de l’enfer», Oxfordienne torturée dans «La maîtresse du lieutenant français». Polonaise rescapée des camps nazis ET torturée dans «Le choix de Sophie», Danoise installée au Kenya dans «Out of Africa», pocharde désespérée dans «Ironweed», Australienne au look mongolien et accusée d’infanticide dans «Un cri dans la nuit». Sans oublier le projet avorté de «Evita » où elle manqua d’incarner l’Argentine Eva Peron. A Kathleen Turner, tous les emplois de garce-enquiquineuse à qui on ne la fait pas. Aventurière intrigante dans «La fièvre au corps», elle prend du galon et passe au rang de beautiful peste malfaisante dans «L’homme aux deux cerveaux». Plus tard, elle cumule avec une très évidente jubilation les fonctions de vicieuse-folle de son corps («Les jours et les nuits de China Blue») et de tueuse à gages ludique («L’honneur des Prizzi»). Histoire d’arrondir les angles et avec la complicité de Michael Douglas, elle réactualise la notion de couple hollywoodien. Douglas lorgne du côté bougon-Spencer Tracy, Turner louche vers les insupportables-façon Katharine Hepburn et les tiroirs-caisses se remplissent aussitôt, («A la poursuite du diamant vert», «Le diamant du Nil»). Pour sapart, Jessica Lange affiche une très nette préférence vers des personnages volontiers plus complexes et difficiles d’accès. D’où, dans un premier temps, de mémorables compositions : Cora dans le chaud remake du «Facteur sonne toujours deux fois» et, surtout, «Frances», héroïne douloureuse et fille spirituelle disjonctée d’Adèle Hugo et de Camille Claudel. Les choses se gâtent ensuite. Les beaux rôles se succèdent, mais le public se fait tirer l’oreille. «Sweetdreams», «Country», «Crimes du cœur», «Far north» ou encore «Everybody’s all american», autant de titres qui traversent brièvement le box-office sans réussir à s’imposer. Sans obstruer la trajectoire de Jessica, ces relatifs échecs réduisent quelque peu sa marge de manœuvre. En effet, la règle numéro un à Hollywood veut que, par définition, les plus alléchantes propositions aillent d’abord aux acteurs avec de récents succès commerciaux à leur actif. A ces derniers, ensuite, de trancher entre les offres intéressantes artistiquement et celles qui renfloueraient: leur compte en banque. Là réside toute la différence entre un Nicholson et un Stallone. La marge est encore plus réduite pour les femmes qui, à cause d’une misogynie largement répandue dans la profession, trouvent rarement de beaux personnages une fois franchi le cap de la quarantaine. D’où une boulimie de rôles valorisants et puissants entre vingt-cinq et quarante ans, histoire de mieux préparer la suite. Quand, au cours de cette période, les choses ne se déroulent pas comme prévu, une très discrète révision s’impose_ Exemple : Jessica Lange qui, échaudée par ses précédents échecs, se montre des plus pointilleuses quant au choix de ses nouveaux rôles. Extrêmement déçue par le montage final de «Everybody’s ail american» (inédit en France), elle hésite longuement avant d’accepter la proposition de Costa-Gavras qui lui soumet, fin 1988, le scénario de «The music box». Après de nombreuses modifications du script et des heures de discussion avec le réalisateur et le scénariste. Lange finit par donner son accord de principe. Elle se glisse pendant trois mois dans la – peau d’Ann Talbot, brillante avocate de Chicago d’origine hongroise et dont le père est accusé d’avoir été, dans sa jeunesse, un tortionnaire nazi. «Je ne pense pas avoir interprété de personnage aussi différent de moi qu’Ann, précise l’actrice. Voilà une femme vulnérable sentimentalement, mais qui évolue dans un univers masculin et s’en sort admirablement. Elle a une certaine dureté, une froideur qui ne résistent pas aux secousses émotives qu’elle éprouve par la suite. « The music box » est vraiment un film qui m’a touchée pendant le tournage, et surtout après, quand j’ai vu la version finale, c’est une sensation que je n’éprouve pas souvent, tant on peut avoir de mauvaises surprises au montage». Malicieux signe du destin ou simple coïncidence, Jessica s’essaie, dans Ce film, à l’accent « Europe de l’Est», très léger mais tout de même perceptible, spécialité que l’on croyait réservée à la Streep. Meryl, vous avez dit Meryl? Parlons-en, justement. Malgré sa position de vedette féminine N° 1 aux États-Unis, ses derniers films («Un cri dans la nuit», «lronweed») ont beaucoup mieux marché à l’étranger que sur le territoire américain. Sans se renier le moins du monde, l’actrice s’implique alors dans des entreprises moins étouffantes et plus accessibles que les précédentes, mais tout aussi intéressantes. « Postcardsfrom the edge», où elle vient d’être dirigée par Mike Nichols, est l’adaptation du récit autobiographique de l’actrice Carne Fisher, best-seller immédiat lors de sa parution. «She-devil», sur les écrans à partir du 21 mars, est librement inspiré de «The life and loves of a she-devil», classique de la littérature anglo-saxonne contemporaine. Face à Roseanne Barr (superstar de la télé américaine et héroïne d’un feuilleton portant son nom). Meryl réussit le prodige de traverser un film entier lookée blonde-glamour, sans accent particulier et, plus surprenant encore, en suscitant les rires plutôt que les larmes. «Depuis dix ans, je dis un peu partout que je veux jouer une vraie comédie mais, jusqu’à « She-devil », je n’avais rien trouvé de très excitant, raconte l’intéressée. J’interprète ici une romancière qui entretient les rêves d’adolescente avec lesquels elle a grandi. Elle est fascinée par le mythe de la difficulté d’être une femme. Elle perpétue cela dans ses livres et le pratique jusqu’à l’excès dans sa vie privée. Personnellement, je suis très intéressée par les images auxquelles la femme est supposée ressembler en général. C’est là une des principales raisons qui m’ont poussée à tourner le film de Susan Seidelman», Cette déclaration historique à peine effectuée, et voilà notre tragi-comédienne vaquant à son occupation favorite, la chasse aux bons rôles. De son côté, l’incandescente Kathleen Turner s’aventure — cinématographiquement — sur le même terrain, celui de la comédie grinçante à souhait. Dans «La guerre des Rose», elle est entourée par Danny de Vito (également réalisateur du film) et Michael Douglas. Énième application de la formule «on prend les mêmes et on recommence»? Pas vraiment. Loin des cavalcades effrénées de ses précédentes tribulations, le trio est au centre d’une fable aussi cruelle que mordante tournant autour d’un couple. Barbara et Oliver Rose, empêtré dans une procédure de divorce qui n’en finit plus. L’agitation d’ «A la poursuite du diamant vert» et du «Diamant du Nil» cède la place à un humour méchant, ravageur, qui sied superbement à Kathleen : «Ce film est très différent des deux autres que j’ai tournés auparavant avec Michael et Danny, avoue-t-elle. Ce dernier n’était plus un simple comparse, mais le patron. Quant à Michael, n’assumant plus les responsabilités de producteur, il a pu se consacrer entièrement à son jeu. Le résultat auquel il est parvenu est mille fois plus intéressant et excitant que tout ce que nous avons pu faire ensemble auparavant». Définissant son personnage, elle ajoute : «Barbara a une forme de liberté que j’envie. Elle n’hésite pas à transgresser les règles du savoir-vivre et de la bienséance. Elle se moque totalement de ce que peuvent penser les autres. La peur du qu’en-dira-t-on ne l’empêche jamais d’agir. Elle sait exactement ce qu’elle veut et ce .qui est juste et injuste. Elle ne doute pas un seul instant. Certes, cela peut aller jusqu’à manque de considération pour autrui, et même jusqu’à un côté terriblement destructeur. Mais l’aspect positif, c’est sa volonté farouche et sa faculté d’agir sans arrière-pensée…» Cette détermination est on ne peut mieux accueillie par le public américain qui catapulte «La guerre des Rose» à la première place du box-office pendant près de trois mois. Une bonne nouvelle de plus pour Kathleen Turner dont les derniers films («Julia et Julia», «Scoop») n’ont pas réalisé les résultats escomptés. Remises en selle, Jessica, Meryl et Kathleen peuvent aujourd’hui dormir tranquilles et aborder sereinement le virage des années 90. Dans les coulisses, de tendres biches et des louves affamées attendent leur tour. Kim Basinger, Michelle Pfeiffer, Daryl Hannah et les autres sauront être patientes. Elles connaissent les règles du jeu. Et ce jeu-là vaut tellement la chandelle…

L’état de Cruise

Tom CruiseL’armée

Quand on est jeune, on se laisse facilement emporter par la révolte contre tout ce qui est discipline. Moi, j’ai découvert des gars très humains, ni machos ni violents, mais dont toute la vie est transformée par le souffle de l’honneur.

Le cinéma «commercial»

Qu’est-ce qu’un film commercial? Vous regardez «Top gun» et vous pensez : «Bien sûr, avec Simpson et Bruckheimer, les producteurs du « Flic de Beverly Hills » et de « Flash dance », c’est du tout cuit». Mais je peux vous assurer que rien n’est jamais tout cuit. Surtout si vous regardiez le script de départ et ce qui aurait pu se passer.

Dieu

Ma rencontre avec Dieu et tous ceux qui le servent avec dévotion et piété provoqua un grand bouleversement en moi. Il s’en est fallu de très peu que je ne devienne prêtre. Si ma vocation avait été moins «émotive», c’est-à-dire si mon élan pour la religion n’avait pas eu pour origine l’ambiance apaisante que j’ai rencontrée chez les franciscains, j’aurais demandé à entrer au séminaire. Mais on ne trompe pas Dieu, et il ne trompe pas ceux qui l’aiment sincèrement!

Le public

De même qu’un acteur n’aborde pas un film comme «Top gun» de la même façon qu’un «Taxi driver», il faudrait que le public soit éduqué à ne pas aller voir «Out of Africa» en attendant «Retour vers le futur».

Le star-system

Je ne me laisserai jamais tomber dans le piège du star-system, je suis un acteur en chair et en os et pas une boîte de conserve, jamais je ne me considérerai comme un produit.

Le métier de comédien

Les gens ne voient pas tout le travail de préparation que vous faites pour donner vie à un personnage. C’est ce que j’ai cherché à faire pendant des années, mais soit on ne m’a pas offert les bons rôles, soit je ne les ai pas lus.

Newman, le vieux pro, se prend d’amitié pour le jeune loup.

Mais lors de sa sortie, le film n’obtient pas le succès escompté à cause de la prédominance des effets spéciaux au détriment du jeu des comédiens. Tom Cruise ne s’avoue pas vaincu et, par défi, cherche à s’impliquer davantage dans tous les stades de l’élaboration d’un film. C’est ainsi qu’en janvier 1985, il donne son accord aux producteurs de «Top gun» après une première lecture du script. «Seulement, j’ai demandé à collaborer directement avec les scénaristes et les producteurs. J’habite New York, mais je suis allé m’installer à Los Angeles. J’ai également passé beaucoup de temps à San Diego au mi- lieu des pilotes de combat et des avions.» La réalisation est confiée à Tony Scott, le frère de Ridley, qui a signé «Les prédateurs», avec Catherine Deneuve et David Bowie. Le tournage est périlleux, mais à l’arrivée, le film remporte un immense succès mondial. Du coup, le nom de Tom Cruise est sur toutes les lèvres et les responsables des studios sont prêts à lui faire des ponts d’or. Il ne reste paslongtemps à être baladé de projets en espoirs. L’année suivante, il est contacté par Martin Scorsese qui vient d’achever la préproduction de «La couleur de l’argent».Newman C’est Paul Newman qui soumet au réalisateur l’idée de reprendre son personnage d’Eddie «Fast» Felson dans le film que Robert Rossen a tourné en 1961, «L’arnaqueur». Scorsese est enthousiasmé, mais remanie considérablement le script original. Le film, tourné dans les quatre académies de billard de Chicago, un hôtel d’Atlantic City et dans des décors additionnels réalisés par Boris Leven («West Side story»), vaut surtout pour l’affrontement psychologique entre les personnages interprétés par Paul Newman et Tom Cruise. Et il est bien difficile de dire qui des deux l’emporte. Newman, en vieux pro blanchi sous le harnais, se prend d’amitié pour ce jeune loup, à la fois instinctif et réfléchi. «Newman m’a beaucoup appris, en plus du métier. Il m’a aussi aidé à comprendre ce qu’il faut prendre au sérieux dans la vie et ce qu’il ne faut pas prendre au sérieux. Il a vraiment vécu un tas de choses dans sa vie. C’est un homme sage.» Dès lors, la carrière de Tom Cruise est lancée. 1988 marque sa véritable consécration. D’abord, il tourne «Cocktail» de Roger Donaldson, qui n’obtient pas auprès de la critique le succès escompté, mais se transforme en grand succès au box-office américain. Cruise pèse à ce moment 3 millions de dollars. Dustin Hoffman himself le choisit pour incarner son frère dans «Rain man» que doit réaliser Martin Brest («Le flic de Beverly Hills»). Mais très vite, des dissensions se font jour entre Hoffman et le réalisateur. Ce dernier sera remplacé par Barry Levinson («Good morning Vietnam»). Sur le plateau, l’entente entre les deux acteurs confine à l’union sacrée. «Dustin Hoffman est perspicace et tellement intelligent. C’est un professionnel jusqu’au bout des ongles. Il savait ce qui était le mieux pour le film». «Rain man», qui obtient l’Oscar du meilleur film, de la meilleure réalisation et du meilleur acteur pour Dustin Hoffman, est un gigantesque succès public partout dans le monde (1 506 696 entrées Paris-périphérie). Fin 1988, Cruise tourne sous la direction d’Oliver Stone «Né un 4 juillet», adapté de la vie de Ron Kovic, un ex du Vietnam revenu paralysé de cette affreuse guerre et qui milite contre toutes les intolérances. Tom Cruise, qui n’a pas participé à ce conflit, y est bouleversant de vérité et de grandeur. Adieu les compositions hybrides du jeunot un peu râblé qui jouait d’instinct, comme on respire OU comme On jouit. Il est aujourd’hui parvenu à la maturité, et compose, jusqu’à l’identification, des personnages chargés et fournis… Sans doute, à l’instar d’Oliver Stone, a-t-il repris à son compte cette maxime de Goethe : «Prends garde à tes rêves de jeunesse car ils feront de toi ce que tu seras à l’âge adulte». Tom Cruise, à n’en point douter, ira jusqu’au bout de son immense talent, parce qu’il a l’étoffe des héros, tout simplement!

Intuitif, il sait très tôt qu’il réussira.

D’autant qu’en plus de tous ses malheurs, le pauvre est radicalement dyslexique, ce qui ne va pas faciliter son insertion. Il va donc errer de petits boulots, en jobs éphémères, et connaître les joies de la vie de pompiste ou les vissicitudes du manutentionnaire. Mais ce qui va sortir ce jeune ado fragile du marasme infernal dans lequel il patauge, c’est son amour immodéré pour les femmes. «Elles ont toujours été importantes à mes yeux. Grâce à ma mère et à mes trois sœurs, j’ai découvert qu’elles étaient plus sensibles que les hommes». On. le constate, le fait de ne pas distinguer sa droite de sa gauche ne l’empêche pas d’émettre des réflexions frappées au coin du bon sens. Mais sa passion pour le sexe faible ne l’empêche pas de cultiver une admiration sans bornes pour le jeune Robert de Niro et le vétéran Mar Ion Brando. Cet intuitif dans l’âme — forcément, il est natif du Cancer — est déjà persuadé qu’un jour, il deviendra leur égal_ Nous sommes alors en 1980, et mu par le virus d’apprenti star, Tom Cruise décide de monter à New York_ Il a alors dix-huit ans_ Il dispose d’un petit pécule, et il court la ville pour décrocher le rôle qui le fera connaître. Il passe sa première audition avec Franco Zeffi-relui qui prépare (Un amour infini» avec Brooke Shields. Le réalisateur l’engage pour quelques jours. Il n’a que quelques répliques à dire, et il s’en sort fort bien. Le film rapportera globalement plus de 80 millions de dollars. Mais cette première expérience ne le satisfait pas pleinement. Il se rend alors à l’audition de «Taps». «Je pense que « Taps » a marqué le début de ma carrière. A l’époque, on ne pouvait vraiment pas miser un dollar sur mon nom… J’ai fait une lecture pour « Taps » d’Harold Becker, et avant de savoir si j’avais le rôle, j’étais assez content de ce rendez-vous. Ensuite, j’ai rencontré le producteur et le metteur en scène. L’audition a duré deux minutes. Le genre ‘Vous passez la main dans vos cheveux et vous lisez cette ligne ». Ce fut tout…» En fait, c’est le début. Quelques heures plus tard, son impresario le rappelle pour lui dire «Tu as le rôle !». On imagine sans peine l’état de surexcitation du jeune homme, d’autant que pour ce coup d’essai, il a pour partenaire Sean Penn et Timothy Hutton. «J’ai appris beaucoup en faisant ce film. J’ai compris que tout le monde n’était pas capable de faire de bons films et qu’il me faudrait donc apprendre à survivre dans ce milieu et à ne pas me laisser dévorer. Je savais que les films que je voulais faire dorénavant devraient être réalisés par les meilleurs». Cependant,il tombe assez vite en désaccord avec son impresario, qui ne répond plus à son attente. Après une période assez peu glorieuse qui va durer deux ans, il entend parler d’une audition pour «Outsiders», le film que Coppola se prépare à tourner. Sa détermination plaît au réalisateur, qui décide de l’engager. Dans le même temps, il auditionne pour «Risky business», le film de Paul Beickman, sans savoir qu’il va décrocher là son premier grand rôle. Tout le monde se souvient de la fameuse séquence où Cruise le tour du salon en dansant telle une rock-star. Il ajoute à sa faculté innée et animale de rentrer dans un personnage un réel talent de danseur. «Pendant mon adolescence le grand truc, c’était «Saturday night fever» etles boites. Mais si vous ne saviez pas danser, pas moyen d’inviter les filles. Vous passiez pour un con. Toutes les filles aimaient aller danser le samedi soir. Donc, j’avais l’habitude de regarder les danses qu’on voyait à la télé, et je m’entraînais. J’ai appris à danser tout seul. Je m’en sortais bien. Je faisais le robot, la toupie, et des trucs de ce genre.» La personnalité de l’acteur s’affine, se modèle et se façonne. A son tour, le réalisateur Ridley Scott est séduit par ce garçon si particulier, si peu ordinaire. Il lui confie le rôle essentiel de son film «Legend». Et ce bonheur du ciel faillit coûter la vie au comédien. En effet, le 27 juin 1984, à 13 h 45 précisément, un gigantesque incendie ravage entièrement le «plateau James Bond» pendant le tournage de «L’espion qui m’aimait». Selon des témoins, des flammes s’élevaient à plus de 30 mètres et la fumée était visible à 8 kilomètres à la ronde. Malgré l’intervention de plus de 100 pompiers, la totalité du bâtiment a été détruite. Heureusement, au moment du drame, toute l’équipe technique et les acteurs étaient en train de déjeuner, et tout le monde en fut quitte pour la peur.